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Blog de Pierre
10 octobre 2004

L’homme malade de l’Europe

Dans nos congrès, tous les textes le proclament : « nous sommes tous internationalistes ». Cette valeur est pourtant mise à très rude épreuve dans le débat sur le traité constitutionnel. Une fois passé l’échange policé des arguments de fond, nous en sommes au moment où chacun cherche à frapper les imaginations par le recours à des formules, des registres ou des images qui en disent long sur les représentations que chacun se font de l’Europe et l’internationalisme.

Le « prolétaires de tous les pays unissez-vous » qui figure au fronton de la Première internationale n’a pas disparu du code génétique de la gauche. C’est de l’Internationale, dans son congrès d’Amsterdam de 1904 que partit l’appel à l’unité des socialistes français qui se conclut en avril 1905 par la création de la SFIO.

Dans le débat qui nous intéresse, tous les orateurs du « non » commencent par professer leur identité européenne. Certains plus subtils considèrent que cela ne va pas nécessairement de soi. Ecran de fumée pour mieux cacher ce qui suinte des discours moins maîtrisés : une forme de révisionnisme qui remet en cause la construction européenne, à critiquer après coup l’élargissement et à douter de la crédibilité des autres sociaux-démocrates européens...

Léon Blum écrivait en 1933 « nous sommes tous d’accord pour penser qu’il ne nous faut pas moins d’internationalisme mais plus d’internationalisme, que tout notre effort doit se concentrer à donner à l’Internationale une consistance de plus en plus solide, et que l’action nationale, toujours nécessaire, demain comme elle l’a été hier, doit garder une claire conscience de sa nature, de ses limites, et de sa direction, c’est-à-dire être toujours de plus en plus clairement inspirée elle-même par l’esprit international et par l’aspiration internationale. » Depuis, la gauche a changé. La social-démocratie est pleinement nourrie d’une culture de gouvernement qui a changé la nature de ses débats internationaux. Au pire ce sont des questions d’experts, au mieux des discussions diplomatiques.

Pourtant l’internationalisme n’a jamais été aussi indispensable qu’à l’heure de la mondialisation. Puisque la question sociale se pose au niveau mondial, la réponse social-démocrate doit se construire dans un cadre global. C’est le travail qu’a commencé Poul Nyrup Rasmussen. Il a besoin de nous pour le poursuivre. Ne lui faisons pas défaut.

Quand on est internationaliste, on ne croit pas aux vertus du socialisme dans un seul pays. le croire, c’est faire de la France l’homme malade de l’Europe. Car la France n’a pas raison toute seule contre le reste de la planète à l’heure de la mondialisation. Le multatéralisme vaut pour tout le monde... Curieuse ruse de l’Histoire quand on constate que certains socialistes pour aggraver l’écho du « non » n’hésitent plus à instrumentaliser la question de l’adhésion à la Turquie pour exciter les peurs des Français. Là-dessus on a le choix entre l’opportunisme et le populisme.

Dans la femme et le socialisme, le théoricien social-démocrate August Bebel écrivait « Un peuple apprend de l'autre, et tous deux cherchent à se dépasser réciproquement dans une lutte d'émulation. À côté de l'échange de produits matériels de tout genre s'opère également l'échange des productions intellectuelles. […] Les progrès qui se réalisent de la sorte sur l'échelle internationale ont pour résultats que les différents pays se ressemblent toujours de plus en plus dans leurs conditions sociales. Pour les nations civilisées les plus avancées dans le progrès, et qui, par cela même, fournissent un terme de comparaison, cette ressemblance est déjà si grande que celui qui a appris à connaître la structure sociale d'un peuple connaît en même temps, dans ses grandes lignes, celle de tous les autres. » C’est la démonstration qu’aujourd’hui, les questions européennes ne sont plus des questions étrangères, elle sont presque « nationales ».

C’est pourquoi, le débat sur le Traité constitutionnel va fixer durablement la nature européenne du Parti socialiste. Soit ce sera une évidence passive qui n’engagera à rien car il ne peut en être autrement au regard du réel, soit ce sera un choix conscient et assumé duquel découlera une manière de penser, d’agir et de construire désormais à l’échelle dans un environnement qui doit cesser d’être touristique, celui de la social-démocratie européenne.

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